Partie 2 : reportage dans les bâtiments de la guilde
Lordream fit entrer Grû par la porte de l'auberge du Phoenix Doré. A l'intérieur, les habituels piliers de taverne du Lorndor, accrochés à leur chope, relataient la dernière rencontre de Sproach Ball ou soupiraient que "C'était mieux avant...".
- Ca être marchands ? grogna Grû.
- Non, répondit Lordream, c'est la
Taverne Publique ça, c'est juste pour boire un verre et discuter. Les marchands sont derrière cette porte en or, là, au bout de la salle.
- Porte en or ? Eux pas savoir quoi faire argent ! Et petite trappe là devant, moi entendre bruit et voir potion cassée devant. Quoi être ?
- Ah, ça c'est la
Cave de l'Auberge. Elle est toujours inondée et les gens se noient dans des discussions interminables ou participent à toutes sortes de jeux étranges. Pour se détendre entre deux guerres, c'est l'endroit idé...
Mais Grû n'attendit pas d'avantage et poussa la porte dorée pour tomber dans... une immense salle circulaire où circulaient en tous sens des individus affolés et agités criant "Je prends ! Je prends !", "Et moi j'achète ! J'achète !", "Moi aussi !", "Non, c'est moins cher par là !", "Et mon poison, il est pas frais mon poison ?!".
- Grû ! Quoi être endroit avec fous hurlant ?
- Voici
la Bourse. Ici tout s'achète et tout se vend. On peut aussi passer des commandes et des annonces, se renseigner sur un prix, discuter du marché... C'est sûr que c'est vivant ! Viens, on va voir si quelqu'un vend des potions...
Les pattes sur les oreilles, les deux grunts firent le tour de la salle, demandant à droite à gauche si quelqu'un vendait des potions pour se soigner. Quelques affaires furent rapidement conclues et Grû remplit son sac à mesure qu'il vidait sa bourse. Il signa aussi de son empreinte quelques parchemins sans trop comprendre, mais Lordream lui assura qu'il s'agissait-là de commandes de potions qui lui seraient livrées très bientôt dans son campement, juste avant de partir en guerre. Pour une fois, Grû fut content en dehors d'un combat.
Et avant de quitter les lieux, il avisa un long couloir derrière les immenses affichages. Lordream anticipa sur sa question :
- Oui Grû, je sais : quoi être... Ce sont les salles réservées à certaines activités de la guilde. Il y a là de quoi se payer les services d'assassins, de soigneurs, d'alchimistes, d'écrivains, d'illustrateurs... Et tu peux même y chercher l'âme soeur !
- Lame soeur ? Epées avoir frères et soeurs ? Massue moi être unique !
- Laisse tomber cette partie-là. Viens, je vais te montrer ce que c'est, tu comprendras par toi-même...
Et les deux grunts pénétrèrent dans le long
Couloir des Services, dont le nom n'est pas sans rappeler le "couloir des sévices" en Place Publique, où sévissent nombreux esprits critiques et chagrins à l'affût de la moindre discussion en vue d'y jeter l'opprobre et y semer des germes d'agression comme d'aucun cultivent des plantes carnivores dans les jardins d'enfants. Devant eux, une série de portes en enfilade sans pour autant être choquant.
Première porte : "Service des Mercenaires"
Grû ne sachant pas lire, il ouvrit et entra d'un pas grunt (autrement dit lourd et bruyant).
- Yaaaaaaaaaaaaaaaaaaahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
Oui, yaha... Ce fut le cri d'une étrange créature qui venait de piquer Grû. Celui-ci l'écrasa aussitôt de sa massue. Un moustique ? A y regarder de plus près, il s'agissait plutôt d'un gnome, tout de noir vêtu et encapuchonné, dague à la main et bave aux lèvres, qui avait tenté de poignarder le guerrier grunt. A peine le temps de se poser la question du pourquoi de la chose que se jettèrent sur le corps aplati de la victime une dizaine de personnages tout de blanc vêtus et encapuchonnés également, qui se mirent à bouger leurs mains dans tous les sens et à incanter d'étranges sortilèges. Le tout en se donnant de petits coups de pied et en se disputant : "C'est moi qui le soigne !", "Non, c'est moi !", "Laissez, je suis le Soigneur des Anneaux, ce corps me revient !", "Et moi je suis le plus grand panseur de tous les temps, écartez-vous espèce d'amateurs !"...
Devant cette scène, Grû resta incrédule, ce qui ne le changeait guère. Lordream, apparemment habitué, fit s'éparpiller tout ce monde et posa sa patte sur la massue de Grû pour qu'il baisse sa garde :
- Ah, ce n'est rien, ce sont nos mercenaires. Le petit tout plat, là, c'est un assassin en herbe.
- Grû ? Lui tuer plantes ?
- Non, je veux dire qu'il vient à peine de s'inscrire ici, il n'a toujours pas reçu de contrat, alors il s'entraîne comme il peut. Enfin, comme il pouvait. Regarde dans le fond, les personnes qui aiguisent leur lames et qui les enduisent de poison : ce sont les mercenaires
assassins que n'importe qui peut engager pour éliminer quelqu'un. Il suffit de remplir un petit parchemin sur la future victime et ils s'occupent du reste.
- Grû compris. Eux tueurs contre or. Et autres agités en blanc, qui être ?
- Ah, eux ce sont aussi des mercenaires, mais des
soigneurs. Même principe : on peut les payer pour qu'ils viennent nous soigner. C'est pratique quand on part chasser.
- Grû encore compris. Eux comme grosses potions ambulantes. Mais pas à boire : eux chanter et pouf nous guéris ! Ca pas bête.
Les deux grunts sortirent pour laisser le service d'entretien remettre un peu d'ordre et lessiver le sol rougi. Ils s'approchèrent de la porte suivante.
Deuxième porte : "Service des Artistes Publics"
Grû ne sachant toujours pas lire, il ouvrit et entra d'un pas elfique (autrement dit méfiant)... Rien. Personne pour lui sauter dessus. Aucun bruit. Le silence... Et pourtant la pièce était remplie de monde ! Certains étaient assis devant un parchemin et y faisaient glisser prestement leur plume, s'arrêtant de temps à autre pour la tremper dans une fiole colorée, profitant de lever la tête pour regarder les deux nouveaux arrivants d'un air réprobateur et portant un doigt à leur bouche pour signifier "Chuuuut...". D'autres se tenaient devant leur chevalet, les habits et les cheveux plein de peintures diverses, et jetaient d'habiles coups de pinceaux sur des toiles de toutes tailles se remplissant de magnifiques illustrations (mais aussi d'étranges symboles nommés "lettres" et qui, paraît-il, s'accoupleraient pour former ce que l'on appelle des... "mots", voire des "phrases" pour les plus féconds, du moins c'est ce que Grû avait cru comprendre quand il avait rasé tout un bâtiment plein de livres sous les protestations des hommes en robe grise qui vivaient dans cet étrange lieu).
Ebahi devant tant d'agitation silencieuse, Grû ne s'aperçut pas tout de suite qu'un de ces personnages s'était approché et le visait avec un fusain, un oeil fermé et la langue tirée, tel un Gnome ayant délaissé un temps sa fronde pour s'essayer au tir à l'arc :
- C'est bien ça, ne bougez plus... La massue, un peu plus haute s'il vous plaît... Et le regard plus intense si possible, parce que là on dirait un Tauren qui rumi...
* boum *- Massue plus haute ? Voilà ! Moi pas Tauren, moi Grunt !
En un instant, les parchemins et les toiles volèrent et la salle se vida avant qu'elles aient eu le temps de toucher terre. Il ne restait de l'inconscient qu'un bras tenant un pinceau qui dépassait sous l'énorme massue. Lordream s'approcha calmement :
- Non Grû, il ne t'a pas traité de Tauren. Il voulait simplement utiliser une image. C'est un artiste, tu comprends ?
- Tartiste ? On donne lui des tartes dans gueule ?
- Non, lui et les autres sont là pour être engagés, comme les mercenaires à côté. Sauf qu'eux ils en travaillent pas avec des armes, mais avec des outils. Regarde, une plume pour écrire des textes. Et là, sous ta massue, un pinceau pour dessiner. On vient ici si on a besoin de l'un ou l'autre, on dit ce qu'on veut et ils le font.
- Eux payés pour faire apparaître choses sur parchemins ? Pourquoi gens pas faire eux-mêmes ?
- Parce que, Grû, tu dois le savoir, certaines personnes n'écrivent pas ou ne dessinent pas. Et elles ont besoin de ça pour leur clan, pour les guerres, pour leurs amis... Ce sont des
écrivains et des
dessinateurs publics.
- Oh, Grû croyait que pigeons voyageurs eux écrire papiers avoir dans tube autour du cou ! Alors pigeons pas savoir écrire, avoir menti depuis tout petit grunt ! Oiseaux menteurs !
Et tout en fulminant, Grû sortit de la pièce et se dirigea vers la porte suivante.
Troisième porte : "Service des Unions"
Grû ne sachant définitivement pas lire, il ouvrit et entra d'un pas tauren (autrement dit en ruminant). Les évènements qui suivirent furent si gênants pour l'honneur de notre ami grunt qu'ils ne peuvent être racontés en détails. Sachez toutefois que depuis la taverne même on entendit tout d'abord quelques * smack * suivis d'un hurlement d'horreur bestial et de grands coups... jusqu'au silence absolu quand Grû sortit, traces de lèvres mêlées à du sang frais sur les joues et le front :
- Rien dire Lordream ! Pas parler !
- Hum... C'était juste la salle pour les
rencontres amoureuses... Cela ne te concerne pas. Et puis apparemment ça va être en travaux un petit moment là... Enfin, si un jour tu cherches une compagne, rappelle-toi qu...
- Moi avoir déjà compagne ! * montre sa massue *
A partir de ce moment-là, les deux grunts n'échangèrent plus aucun mot, se comprenant simplement par le regard. Ils approchèrent de la dernière porte possédant une inscription, les autres étant apparemment prévue pour des activités futures à définir.
Quatrième porte : "Laboratoire d'Alchimie"
Grû ne chercha même pas à lire mais il reconnut un dessin de potion : il ouvrit et entra d'un pas gnome (autrement dit curieux et intéressé) car il avait enfin compris le fonctionnement de la guilde. Ici, il allait pouvoir commander ses potions à des
spécialistes en alchimie. Et là, au beau milieu des tables remplies de plantes, de cornues et d'alambics, débordant de parchemins pour acheter ou vendre des potions, se tenaient trois curieux personnages en train de s'échanger des fioles, d'y goûter et de noter leurs impressions sur un grand carnet. Il y avait au centre une jeune taurenette parée d'une multitude de bracelets à l'effigie de la guilde, à sa droite un non-mort tout de noir vêtu dont les poches débordaient de plantes et à sa gauche un elfe croulant sous le poids des registres et des parchemins. Lordream, toujours sans parler, fit le signe grunt de commandement pour indiquer qu'ils étaient l'autorité des lieux. Grû s'avança, en levant la patte en guise de brève salutation, et entreprit de leur parler...